Les noms des étoiles ne sont pas aléatoires.
C’est quelque chose que tu as peut-être saisi, en filigrane, avec Giausar cette étoile à la queue du Dragon.
Dans un autre article, celui au sujet du mythe de Callisto, j’évoquais comment notre nomenclature céleste avait été fixée en 1930. L’Union Astronomique Internationale ayant puisé dans notre héritage gréco-romain pour ce faire. Ceci est vrai en ce qui concerne nos constellations, mais pas pour les noms des étoiles.
Et c’est ainsi qu’il nous faut à nouveau traverser la Méditerranée.
Le ciel des civilisations arabes est en premier lieu un ciel traditionnel populaire, non uniforme (des différences d’une tribu ou d’une région à l’autre subsistent). Un ciel d’avant l’hégire dont les levers et les couchers des étoiles impriment son mouvement. Ce comput sidéral rythme le passage des saisons, les traversées du désert pour le commerce, la religion, l’agriculture. Il s’organise sous la forme de grandes figures célestes héritées des Mésopotamiens, bien plus imposantes que celles des Grecques. Ces figures cohabitent avec des constellations propres aux cultures arabes.
À cela s’ajoute, des regroupements d’étoiles en lien avec l’observation de l’environnement direct (ainsi se trouvent projetés dans le ciel autruches et dromadaires.), des mythes, une fonction attribuée (marquer le passage entre des saisons, la météo). Des étoiles individuelles prennent également place dans ce vaste répertoire céleste. Une place définie par leur situation sur la voûte céleste, par symbolique, en raison d’une qualité physique.
Puis l’hégire, l’Islam, la naissance de l’astronomie moderne par l’influence grecque et hellénistique.
À partir de ce moment, émerge une conception astronomique savante. Une conception qui n’absorbera pas totalement l’ancienne. Ce basculement est rendu possible par la reprise de la société arabe des traditions intellectuelles de l’époque, culturelles et scientifiques, dont elle assurera à la fois la continuité et l’impulsion.
Cet âge d’or des sciences arabes va permettre un enrichissement réciproque et cumulatif.
Rendu visible par une représentation du ciel composite au cœur de laquelle se retrouve représentations populaires et savantes.
Source : Stellarium
Si tu le veux bien, retraversons la Méditerranée et levons les yeux.
Nous apercevons dans le ciel, une figure gracile, celle du cygne. Originellement, ce n’était pas cet animal qui y était représenté, mais une poule.
De la poule, le cygne grec a conservé trois noms d’étoiles : Deneb dont la traduction est la queue, Sadr la poitrine et Aljanah l’aile. Si tu regardes plus attentivement, tu remarqueras que trois autres étoiles portent un même nom : Fawaris.
Fawaris veut dire cavaliers, car dans cette figure, tout un groupe de cavaliers turbans sur la tête, sabres aux côtés, chevauchaient dans l’étendue céleste. De ce petit fragment de linguistique, je cherche à te partager que l’astronymie est une archéologie des noms et de la poétique. Qui nous révèle au fil des strates, une histoire millénaire.
Une histoire qui nous apprend qu’il n’existe pas un monde, mais bien des mondes.
Pour aller plus loin :
« Etoiles et constellations chez les nomades » ( article).
Edmond Bernus et Ehya ag-Sidiyene
« Le ciel des Arabes »
Roland Laffitte – Edition Librairie orientaliste Paul Geuthner.
Vignette de l’article issue de la BnF
« ʿAbd al-Raḥmān ibn ʿUmar al-Ṣūfī. Kitāb ṣuwar al-kawākib al-ṯābita. »
Auteur du texte : ʿAbd al-Raḥmān ibn ʿUmar al-Ṣūfī, disponible en ligne.