C’est dernières semaines, je me suis intéressée à la façon dont les bergers voient le ciel.
Il est possible que tu te dises : « Il existe un ciel des bergers ? »
Quand je parle de « ciel », cette terminologie regroupe à la fois les représentations des constellations, des étoiles, de la Lune et du Soleil, tout en faisant écho aux récits de tradition orale qui les accompagnent. Ce « ciel » est corrélé à la culture qui le met en mouvement, mais peut aussi être alignée sur les conceptions d’un groupe social.
Ainsi, le ciel des bergers diffère de celui des marins et parfois de celui des paysans. Les marins verront dans telle constellation une baleine, là où les bergers y verront une charrette.
Les savoirs, savoir-faire, savoir-être, les rites et traditions d’une corporation peuvent donc donner aux représentations une dimension spécifique au sein d’une culture partagée. La culture partagée dans l’Europe du 19e siècle au moment des grandes collectes de traditions et récits populaires, c’est celle du christianisme.
Les motifs symboliques plus anciens ont été recouverts par le christianisme, et ce, depuis que l’église s’est employée à dissoudre et faire disparaître toutes les traditions, cultes et récits païens en les incorporant en son sein, en les détournant à son profit.
Ce qui, a été le cas de la figure de l’ours, mais également des lieux de culte sur lesquels ont été érigés fontaines, chapelles et croix.
Le ciel des bergers est construit à partir de récits des origines dont la narration met en scène la création des constellations à partir d’éléments terrestres (animaux, plantes…) et chrétiens (saints, diable…). La fonction première de cette astronomie n’est pas de mesurer le temps d’après le lever ou le coucher des étoiles et des constellations, mais de constituer une sémiologie. Les activités effectuées tout au long de l’année s’inscrivent dans l’alternance et dans la spécificité des saisons dont la nature témoigne des changements.
Ces changements étaient signifiés par l’arrivée ou le départ des oiseaux migrateurs, la transformation de la végétation, l’apparition de certaines étoiles et constellations. Quand survenait le moment de la fin de l’estive, du début des vendanges, ces temps coïncidaient avec l’observation de telle étoile.
Le ciel des bergers, c’est aussi un héritage de certaines constellations gréco-romaines comme l’Aigle ou la Couronne. Cependant, la majorité des représentations revêt une dimension chrétienne forte, dimension transmise par les récits de tradition orale. C’est que le ciel astronomique des bergers par le fait d’être situé au point le plus élevé du monde visible constitue une frontière entre l’ici-bas et l’au-delà.
Et ce lieu intermédiaire est à la fois habité et traversé. Habité par les hommes et les bêtes ayant commis une faute, une transgression ou a contrario afin de récompenser, de garder en mémoire une bonne action.
Traversé par les âmes qui entrent au paradis sous la forme d’étoiles filantes, par celles transportées par le chariot en route vers l’autre monde ou Compostelle.
Dans ce ciel des bergers se lit aussi le destin de notre monde et du cosmos qui en fonction de l’apparition ou la disparition de certaines étoiles se voit prolonger ou arriver à son terme. Un ciel qui porte en lui une représentation, une narration forgées dans le creuset de questionnements métaphysique.
Pour aller plus loin :
« Des étoiles aux plantes: Petite cosmogonie catalane »
Joan Amades – Editions Alpes de lumière
« D’un conte à l’autre »
Galina Kabakova – Editions Flies France; Illustrated édition