Combien de noms et de représentations sont associés à la Grande Ourse ?
Beaucoup.
Car comme je l’écrivais dans un autre article, elle est la porte d’entrée de l’observation visuelle étant donné la position qu’elle occupe dans le ciel de notre hémisphère, sa visibilité tout au long de l’année et la forte symbolique qui lui est attachée.
Une porte qui ouvre tout autant sur l’imaginaire et les récits. À l’instar du bestseller de l’époque médiévale : la légende du roi Arthur.
Ainsi, de l’autre côté de la manche, chez les anciens Gallois notre Grande Ourse et Petite Ourse ont pris le nom de Char d’Arthur.
L’ours chez les Celtes est l’emblème de la chasse guerrière et du pouvoir royal à l’inverse du sanglier qui lui symbolise la première classe sacerdotale, celle des druides. Ce lien avec la royauté est dû à la position qu’occupe l’ours dans les bestiaires anciens qui lui confèrent la place de roi des animaux. Une position qu’il perdra au profit du lion au cours du 12e et 13e siècle, et ce, après une longue bataille idéologique menée par l’église contre cet animal au culte et à la symbolique païenne.
Ajoutons à cela, la racine même du nom Arthur, art en irlandais, artos en gaulois, arth en gallois ou encore arzh en breton dont la signification est « ours ». Et nous nous retrouvons avec Arthur, le roi ours par excellence. Un roi-ours dont la nature ursine, c’est fortement atténué et appauvrit au cours du temps.
Dans la littérature du Moyen-âge, seuls quelques épisodes subsistent et trahissent ce lien à l’ours. Dont un qui nous intéresse particulièrement, celui de la « mort » du roi Arthur. Elle survient quelques jours après la bataille de Salesbiéres, bataille qui marquera la fin des aventures de la Table Ronde et le déclin de la chevalerie arthurienne.
Textes et auteurs s’accordent à dater cette bataille au jour de la Toussaint inscrivant ainsi la mort du roi légendaire aux premiers jours de novembre. Or, dans le calendrier païen, novembre coïncide avec l’entrée en hibernation de l’ours, hibernation célébrée par différentes fêtes.
L’Église chrétienne effrayait par les rites et la place importante occupée par l’ours s’emploie alors à éradiquer ses pratiques en plaçant à ces dates les fêtes de saints et saintes. Et le tour de force réside dans le fait que tous ces personnages saints possèdent un nom ou une histoire en lien avec l’ours.
La relation entre Arthur le roi-ours et la constellation de la Grande et de la Petite Ourse apparaît clairement.
Et si Arthur est sur un char, c’est que ce motif renvoie au chariot des âmes, celui du Saint Elya en Biélorussie ou encore à celui du dieu Odin dans la mythologie nordique dont la fonction est d’accompagner les âmes dans l’Autre-Monde.
Cette association avec le monde des morts s’explique par le fait que la Grande Ourse se situe au Nord, un espace du ciel que jamais le soleil, la Lune ou les planètes ne visitent.
Dans le cas de la figure du roi Arthur, la symbolique s’inscrit également dans celle de l’ours, animal chtonien et psychopompe : c’est lui qui tout comme Odin ou Elya accompagne le voyage des âmes entre les mondes.
Pour aller plus loin :
« L’homme et l’ours »
Jean-Dominique Lajoux – Editions Glénat
« Le roi Arthur mythe contemporain »
William Blanc – Editions Libertalia
« L’Ours-Histoire d’un roi déchu »
Michel Pastoureau – Editions Seuil
« Le roi Arthur au miroir du temps : La légende dans l’histoire et ses réécritures contemporaines »
Anne Besson (dir.) – Dinan, Terre De Brume, octobre 2007, Collection Essais », 320 p., 19E